Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 07:41

3 / L’originalité galiléenne

Pour préciser ce point, nous voudrions montrer qu'au lieu d'aller dans le sens d'une affirmation de « ce qui opère », le texte galiléen part plutôt de celle-ci pour ensuite s'en départir. Revenons en effet à la définition initiale de Salviati :

« ... il moto in tanto è moto, e come moto opéra, in quanto ha relazione a cose che di esso mancano ; ma tra le cose che tutte ne participano egualmente, niente opéra ed è come s'e' non fusse ... » (SPN) 

La discussion avec Simplicio qui la suit montre qu'en réalité, Salviati reprend dans la proposition soulignée un adage de la scolastique qui se révèle être un obstacle pour son interlocuteur et qu'il s'agit donc de surmonter. Cet adage est rappelé quelques pages plus loin par Simplicio :

 « non entium nullae sunt operationes » (« ce qui n'existe pas n'agit pas », D, p. 172).

 

Après avoir avoué ne pas avoir fait l’expérience de la pierre tombant du haut du mât du navire, Salviati met en effet à exécution le défi qu'il vient de lancer à Simplicio de le conduire à ce phénomène par une véritable maïeutique : la pierre tombe à la verticale du navire, longe à tout moment le mât et tombe à son pied, exactement comme si le navire était resté immobile. A cette fin, Salviati va invoquer une certaine « vertu imprimée » dans la pierre, ce que la physique moderne appelle son inertie. Il commence donc par mettre Simplicio en présence, si ce n'est du principe d'inertie, tout au moins de son idée (D, p. 167 sq.). Un corps (une bille, mais aussi bien un navire, une pierre...) que l'on met à un certain moment en mouvement, « en lui imprimant violemment un élan [impeto] », continue de se mouvoir uniformément sur la circonférence d'un cercle autour du centre de la Terre, « l'inclination des corps lourds (qui) est de se mouvoir vers le centre de la Terre » s'annulant par l'absence d'inclinaison (Newton établira dans ses Principia le principe d'inertie du mouvement rectiligne et uniforme, en traitant, il est vrai, d'une toute autre manière cette « inclination des corps lourds » ou « gravité », cf. deuxième partie) :

SALVIATI : « Par conséquent, un navire en mouvement sur la mer calme est l'un de ces mobiles qui avancent sur une surface qui ne descend ni ne monte : il est donc disposé, si tous les obstacles accidentels et externes étaient supprimés, à se mouvoir sans cesse et uniformément avec son impulsion, une fois qu'il l'a reçue.

SIMPLICIO : II semble bien qu'il doive en être ainsi.

SALVIATI : Mais la pierre qui est au sommet du mât, emportée par le navire, ne se meut-elle pas, elle aussi, sur la circonférence d'un cercle autour du centre ? Elle a donc en elle un mouvement indélébile, une fois supprimés les empêchements externes. Et n'est-il pas aussi rapide que celui du navire ?

SIMPLICIO : Jusqu'ici tout va bien ; mais pour la suite ?

SALVIATI : A vous d'en tirer heureusement l'ultime conséquence par vous-même, puisque c'est par vous-même que vous avez eu connaissance de toutes les prémisses.

SIMPLICIO : La conclusion ultime à laquelle vous faites allusion, c'est sans doute que, si son mouvement lui a été imprimé de façon indélébile, la pierre n'abandonnera pas le navire, mais le suivra, pour tomber finalement au même endroit que lorsque le navire est à l'arrêt ; et je dis, moi aussi, que c'est ce qui se passerait s'il n'y avait pas d'empêchements extérieurs venant troubler le mouvement de la pierre une fois qu'elle a été libérée ; or il y a deux empêchements : l'un, c'est que le mobile est incapable de fendre l'air par son seul élan, il lui manquera l'élan de la force des rames dont il participait en haut du mât, quand il faisait partie du navire ; l'autre, c'est le nouveau mouvement : sa chute vers le bas doit bien être un empêchement à l'autre mouvement, vers l'avant.

SALVIATI : Je ne nierai pas l'empêchement de l'air ; si le corps qui tombe était une matière légère, comme une plume ou un flocon de laine, le ralentissement serait très important ; mais, quand il s'agit d'une lourde pierre, il est très petit ; vous avez dit vous-même naguère que la force du vent le plus impétueux ne suffit pas à déplacer une grosse pierre ; imaginez dès lors ce que peut faire l'air tranquille que rencontre la pierre s'il ne va pas plus vite que le navire tout entier. Tout de même, je l'ai dit, je vous accorde qu'un petit effet peut dépendre de cet empêchement ; vous m'accorderez aussi, je le sais, que, si l'air va aussi vite que le navire et la pierre, l'empêchement est alors réduit à rien.

Passons à l'autre empêchement, dû à l'ajout du mouvement vers le bas. Tout d'abord, il est évident que les deux mouvements, je veux dire le circulaire autour du centre et le rectiligne vers le centre, ne sont pas contraires, ne se détruisent pas, et ne sont pas incompatibles : le mobile n'a en effet aucune aversion envers ce mouvement [circulaire]; vous l'avez admis vous-même, il a de l'aversion à l'égard du mouvement qui éloigne du centre et de l'inclination pour le mouvement qui en rapproche ; par conséquent, à l'égard du mouvement qui ne rapproche ni n'éloigne du centre, le mobile n'a ni aversion ni propension ; il n'y a donc aucune raison que diminue la faculté imprimée en lui. Comme la cause motrice n'est pas une cause unique qui s'affaiblirait du fait de l'action nouvelle, mais qu'il y a deux causes, distinctes entre elles, d'une part la pesanteur qui tend seulement à tirer le mobile vers le centre, d'autre part la vertu imprimée qui tend à le faire aller autour du centre, il n'y a plus d'occasion d'empêchement.

SIMPLICIO : Assurément ce raisonnement a une apparence bien probable ; en réalité un obstacle difficile à surmonter vient le troubler. Vous n'avez cessé de supposer quelque chose que l'école péripatéticienne ne vous accordera pas à la légère, parce que c'est absolument contraire à Aristote : vous avez considéré comme étant notoirement évident que le projectile, quand il quitte son point de départ, continue à se mouvoir grâce à la vertu imprimée en lui par le lanceur ; or une telle vertu imprimée est aussi détestable pour la philosophie péripatéticienne que le passage d'un accident d'un sujet à un autre : dans cette philosophie, on soutient, comme vous le savez, je crois, que le projectile est porté par le milieu, l'air dans notre cas ; par conséquent, si la pierre, quand elle quitte le sommet du mât, devait suivre le mouvement du navire, il faudrait attribuer cet effet à l'air, et non à une vertu imprimée en elle ; or vous supposez que l'air ne suit pas le mouvement du navire mais reste tranquille. De plus, celui qui laisse tomber la pierre n'a pas à la jeter ni à lui communiquer un élan avec le bras : il doit tout simplement ouvrir la main et laisser tomber la pierre ; ce n'est donc ni à cause d'une vertu imprimée par le lanceur ni grâce à l'assistance de l'air que la pierre pourrait suivre le mouvement du navire, elle restera donc en arrière.

SALVIATI : De ce que vous dites, il ressort à mon avis que, si la pierre n'est pas lancée par un bras, son mouvement n'a rien d'une projection.

SIMPLICIO : Cela ne peut s'appeler un mouvement de projection à proprement parler.

SALVIATI : Par conséquent, ce que dit Aristote du mouvement, du mobile et du moteur des projectiles n'a rien à voir avec notre propos ; et si cela n'a rien à voir, pourquoi en parlez-vous ?

 

SIMPLICIO : J'en parle à cause de cette vertu imprimée que vous avez nommée et introduite ; comme il n'y en a pas dans le monde, elle ne peut avoir d'action, étant donné que « non entium nullae sunt operationes » ; et donc, dans tous les cas, aussi bien pour les projectiles que pour tout mouvement naturel, il faut attribuer la cause motrice au milieu, auquel vous n'accordez pas la considération qu'il mérite. Par conséquent tout ce qu'on a dit jusqu'ici est vain.

SALVIATI : A la bonne heure ! Mais dites-moi : puisque votre objection se fonde entièrement sur la non-existence de la vertu imprimée, lorsque je vous aurai montré que le milieu n'a rien à faire dans la continuation du mouvement des projectiles, une fois séparés du lanceur, laisserez-vous quelque existence à la vertu imprimée ? Ou alors changerez-vous de position pour mener un autre assaut destructeur ?

SIMPLICIO : Si on supprime l'action du milieu, je ne vois pas qu'on puisse recourir à autre chose qu'à la faculté imprimée par ce qui meut. » (op. cit., pp. 170-172)

Ainsi, Salviati a d'abord formulé sa définition du mouvement (« il moto in tanto è moto, e come moto opéra, in quanto ha relazione a cose che di esso mancano... ») dans des termes et selon un principe empruntés à la tradition aristotélicienne : équivalence entre existence (ou non-existence) et opération (ou non-opération). Point étonnant donc, que dans un premier temps, Simplicio n'y ait vu qu’ « une bonne doctrine, solide et totalement péri­patéticienne ». Or, Galilée oriente l'interprétation de Salviati, en efforçant d'infléchir le langage de son interlocuteur et, par là, son mode de pensée. D'une part, comme F. Balibar l'a indiqué en soulignant le mot « rispetto a », Galilée suggère, dans ce que l'on a coutume d'appeler la relativité, l'idée de perspective. Cependant, le texte galiléen ne nous semble pas aller dans le sens où operativo caractériserait rispetto a, c'est-à-dire selon la mise en évidence d'un « point de vue objectif » ; le mouvement du texte nous semble inverse : c'est rispetto a qui caractérise operativo, et qui introduit dans l'adage scolastique une faille que Simplicio n'a pas vu et qui l'obligera à quitter le sol de l'ancienne philosophie naturelle.

L'argument aristotélicien, repris dans l'interprétation de Salviati est, si non disloqué, du moins disjoint : du point de vue de la côte, le mouvement du navire a l'existence et l' « opération » du mouvement ; mais, du point de vue du navire lui-même, il n'agit pas et il est comme s'il n'était pas. De même, Simplicio refuse l'existence à la vertu imprimée car cette dernière n'a pas la simplicité d'opération - exister et opérer, ou ne pas exister et n'opérer en rien - que manifeste, dans la théorie aristotélicienne des projectiles, l'air en portant la pierre. Et en effet, du point de vue du navire, cette « vertu imprimée » est inopérante, inexistante, alors que, du point de vue de la côte, c'est elle qui semble agir continûment pour lui faire suivre le navire et la faire tomber au pied du mât.

Aussi, comme la vertu imprimée, le mouvement - celui du navire ou de la Terre - peut être réel, effectif (« E pur, si muove ! » selon le mot prêté à Galilée lors de son procès), sans pour autant opérer en rien, ne rien effectuer, et prendre ainsi l'apparence de ce qui n'est pas. Si bien que le propos galiléen présente ici une orientation proprement philosophique, c'est-à-dire paradoxale. On peut se demander - et regretter qu'il ne soit pas plus explicite sur ce point - à quelle « école » fait référence Galilée quand il fait dire à Salviati :

 

« Je la tiens pour plus ancienne encore ; je ne suis pas sûr qu'Aristote qui l'a empruntée à une bonne école, en ait bien pénétré tout le sens ; l'ayant modifiée, il a occasionné des confusions, qu'ont répandues ceux qui veulent soutenir tout ce qu'il dit ; quand il écrit que tout ce qui se meut se meut sur [sopra] quelque chose d'immobile, je crains qu'il n'ait introduit une équivoque dans la proposition selon laquelle tout ce qui se meut se meut par rapport à [rispetto a] quelque chose d'immobile, proposition qui ne présente aucune difficulté, alors que l'autre en présente beau-coup. »

Il est en effet remarquable de voir ici Galilée rattacher la conception du mouvement qu'il avance à une origine grecque qu'Aristote aurait interprétée et détournée de son sens. Comment ne pas penser ici aux fameux paradoxes de Zénon, et en particulier à cet argument qui, transcrit et traduit devant les principes de la philosophie aristotélicienne, confère à la flèche, malgré son vol, l'immobilité (Physique, livre VI, chapitre XIV) ? L'argumentation de Zénon, ou tout au moins un des points auxquels elle conduit en rapprochant, de manière paradoxale, mobilité et immobilité, retrouve en effet, avec la conception galiléenne du mouvement, une actualité troublante - actualité confirmée, dans un sens, par l'importance que lui reconnaîtra Bergson à travers son analyse du mouvement dans la physique moderne...

Telle est bien, quoi qu'il en soit de l'origine grecque à laquelle Galilée se rattache, la résolution proprement paradoxale que prend le Dialogue à l'encontre des arguments traditionnels qui faisaient obstacle à la nouvelle physique et qui, par bien des côtés, évoquent ceux qui entoureront la théorie d'Einstein. Il se pourrait que le texte galiléen ait ici à se défendre, non seulement de l'interprétation aristotélicienne du mouvement, mais aussi d'une interprétation devenue, après elle, classique.

4 / Une nouvelle perspective sur le mouvement

Nous voudrions maintenir ici l'indication de F. Balibar par le rappel de l'idée de perspective dans la locution « rispetto a » ; la traduction qui emploie « par rapport » - même accompagné du terme original - nous paraît être un appauvrissement (notons que la traduction anglaise du Discours reste plus proche du terme galiléen avec « respect to »). L'idée de perspective nous semble, à la lecture du texte même, capitale, voire originelle. Cependant, et par respect du précepte d'A. Koyré, c'est-à-dire finalement, respect du texte qui seul peut nous autoriser à être moins respectueux de son interprète, nous mettons en question le rapprochement de cette idée avec celle d'objectivité ou d'effectivité. Car, c'est l'idée même de perspective qui, à travers l'intervention de Salviati auprès de Simplicio, met en question un tel rapprochement. Ne risque-t-on pas de trahir en effet le sens qu'avait la perspective à l'époque de Galilée en suivant ce qui n'est peut-être que le « cela va de soi » d'une certaine tradition ?

Nous en appelons en effet à l'histoire de cette idée, c'est-à-dire à la mise en question - ou encore à distance - de ce qui est devenu peut-être trop proche et pour cela indiscernable. Il nous paraît important d'invoquer à ce propos les travaux d'historiens de l'art sur la perspective, en particulier le livre d'Erwin Panofsky La perspective comme forme symbolique (Vortràge des Bibliothek Warburg, 1924-1925, Leipzig-Berlin, 1927). Nous pensons en effet, que le terme même employé par Galilée ainsi que l'idée qui l'entoure, comportent une richesse que l'histoire de l'art peut nous aider à restaurer. Qu'il nous suffise de rappeler ici, sur un point qui mériterait une étude historique particulière, que la « perspectiva artificialis » - née au début du « Quattrocento » avec les expérimentations optiques de Brunelleschi autour de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence - avait, lentement et profondément, à travers les œuvres des artistes de l'Italie et de l'Europe du Nord, transforméchez l'homme cultivé, l'image du monde ; en ouvrant librement des perspectives finies dont le jeu pouvait désormais s'étendre et se multiplier à l'infini, les peintres de la Renaissance ont contribué, de manière fondamentale et formatrice, à cet éclatement du « monde clos des Anciens » et à l'instauration de l’ « univers infini des Modernes ».

La perspective a ainsi une histoire riche d'enseignements ; or dans cette histoire, Galilée est témoin mais aussi acteur, à un moment où, entre 1590 et 1615, s'affirme contre le maniérisme une réaction qui s'appuie sur les principes de la Haute Renaissance. Tel est justement ce que Panofsky rappelle dans son article « Galiléo as a Critic of Arts » (La Haye, Martinus Nijhoff, 1954). Nous référant à cet article, nous voulons rapporter trois points qui, bien que le propos de l'auteur vise un autre problème - celui de « la questio vexata de ses rapports, personnels et scientifiques, avec Kepler » (A. Koyré, « Attitude esthétique et pensée scientifique », Études d'histoire de la pensée scientifique, Gallimard, 1973 ; p. 275) -, contribuent à éclairer d'un nouveau jour l'allusion à la perspective que fait Galilée dans sa définition du mouvement :

 

1    / l'environnement humaniste et artistique beaucoup plus que scientifique que connut Galilée dans sa jeunesse.

2    / ses dons de dessinateur, sa connaissance de tous les arts subordonnés au dessin, ainsi que son inclination primitive vers l'étude de la peinture plutôt que vers l'étude des mathématiques.

3    / son amitié avec le peintre Cigoli à qui il prêta main forte sur la question de la supériorité relative entre la sculpture et la peinture (Panofsky met en avant à ce propos la lettre de Galilée à Cigoli du 26 juin 1612 qui se conclut par l'affirmation que l'imitation la plus artistique est celle qui représente la tridimensionnalité dans son opposé que constitue la surface plane).

« This great physicist and astromer had grown up in an environment humanistic and artistic rather than scientific. The son of a famous musician and theorist of music, he had received an excellent musical and literary education. He knew most Latin classics by heart. He not only wrote poetry himself - serious as well as in rollicking vein of his great favorite, the satirist Francesco Berni - but also devoted “many months or even years” to the annotation of Ariosto, to whom he felt indebted, as he used to say, for whatever clarity and cogency (chiarezza and evidenza) his own Italian style might possess, and to an elaborate comparison between Ariosto's Orlando Furioso and Tasso's Gerusalemme Liberata. An excellent draughtsman, he loved and understood “with perfect taste” all the “arts subordinated to design”. If we can believe his biographers, he was originally inclined to study painting rather than mathematics, and one of his most intimate and faithful friends was the outstanding painter of their native Florence, Ludovico Cigoli (1559-1613). » (op.cit., pp. 4-5)

 

Comment alors traduire, c'est-à-dire interpréter, le « rispetto a » galiléen ? Nous évoquerons ici le peintre de la Renaissance tel que le décrivent Alberti, Durër ou bien encore Léonard de Vinci : il observe le monde « à travers une fenêtre », il inscrit avec la précision d'une nouvelle géométrie ou cartographie (voir l'article de Pierre Thuillier « Espace et perspective au Quattrocento », La Recherche, nov. 1984), ses relevés sur ce plan invisible et interposé où le visible se mesure et se joue. C'est dans ce contexte, par le mot qu'il souligne lui-même de rispetto a, que Galilée se donne pour définir le mouvement et le mesurer, une « fenêtre », ce que la physique moderne appellera un « référentiel ». Si bien que nous voudrions nommer perspectivité, cette nouvelle appré­hension du mouvement ouverte par Galilée, qui transpose dans le domaine de la science une découverte issue deux cents ans plus tôt du domaine de l’art ; sont ainsi mis en question les termes relatif, absolu et relativité apparus après, les deux premiers avec Newton, le troisième avec Poincaré. Mouvement et repos sont vus respectivement à la situation de celui qui observe, comme les peintres du Quattrocento, qui eurent en cela un rôle de formateur, en avaient suggéré l'expérience dans l'observation et la saisie des choses dans l'espace.

C'est pourquoi également, à la notion d'objectivité nous préférons substituer celle d'observabilité qui nous semble plus proche de l'expérience perspectiviste et qui n'établit pas de distinction entre le subjectif et l'objectif, entre l'apparent et le réel. Par là nous voulons souligner la portée ontologique de cette nouvelle appréhension du mouvement : elle comporte une mise en question de l'être au sens du réel, de l'effectif qu'il importe de rétablir contre les traductions devenues traditionnelles. Se fait jour avec Galilée une nouvelle perspective sur le mouvement qu'il nous semble nécessaire de maintenir ouverte contre, non seulement la tradition à laquelle elle s'est opposée en tant que découverte, mais aussi contre celle qui lui a succédé et qui - avec d'autant plus de conviction que les prétentions de la physique nouvelle, progressant de succès en succès, n'étaient plus en question - l'a recouverte, et comme masquée sous son interprétation.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Laurent Lefetz
  • : C’est donc sous l’avatar de l’arbre que je confierai désormais de nouvelles feuilles. Car y a-t-il ici quelque chose de « nouveau » ? Comme l’a écrit Francis Ponge, l’arbre qui s’évertue, incorrigible en cela, à produire encore et toujours de nouvelles feuilles, finit par voir sa limite dans l’inexorable répétition du Même, l’éternel retour de l’être et de son anéantissement. « L’on ne sort pas des arbres par des moyens d’arbres. »
  • Contact

Recherche

Liens